LETTRE A PIERRE CAMOU
Pierre,
Toi qui aimais les symboles, tu nous a quittés un 15 août, jour de l’Assomption, bien sûr pas un hasard pour le grand croyant que tu étais. Toi qui voulais rassembler tes proches pour ton anniversaire samedi, c’est toute la famille du rugby qui viendra en nombre chez toi, là où tout a commencé, où tu retournais sans cesse et là où bien sûr tu nous rassembles pour une dernière rencontre. Voilà une ultime pirouette comme tu les aimais tant.
Ceux qui, comme moi, ont eu la chance de te connaitre, ne serait ce qu’un peu, en sont conscients, mais une question me taraude : et toi, savais-tu seulement à quel point ceux qui t’ont côtoyé ont été imprégnés de ton humanité? Car tu faisais partie de ces gens qui irradient, une catégorie unique d’êtres supérieurs et droits qui respirent l’humanité et qui impressionnent tellement ils sont complets et entiers.
Cela en surprendra certains, tant la communication n’était pas ton fort si bien que tu faisais sans dire, mais ta première force était ta capacité à innover et à prendre de la hauteur. Le rugby te doit entre autres, un première convention LNR FFR, le vrai développement de la pratique féminine, le tournant du rugby à 7, le lancement du rugby à 5, l’étude de géo-localisation des licenciés pour laquelle tu m’avais donné carte blanche, un projet de Grand Stade tant tu étais persuadé que, pour maitriser son avenir le rugby français devait être maitre de son outil de production.
Ce que tout le monde retiendra c’est l’empathie profonde et sincère que tu manifestais à chacun. Tu aimais les gens et la vie, venir au contact de tous t’était naturel et tu pouvais consacrer des heures à parler en tête à tête jusque tard la nuit pour prendre le temps de comprendre l’autre à qui tu t’intéressais vraiment. Tu as côtoyé les plus grands avec qui tu parlais d’égal à égal, mais tu te retrouvais parmi les petits sans jamais faire de distinction ou d’importance. Tu avais aussi cette manière toute à toi de toujours démarrer une conversation au téléphone en demandant à ton interlocuteur où il était, comme si le savoir t’aidait à mieux veiller sur lui. Ta force c’est d’avoir toujours manifesté une profonde tolérance pour tous et pour toutes les idées, même si les tiennes étaient affirmées et que tu avais l’épine dorsale pour les défendre et les assumer en homme d’état et pas en homme politique.
Je retiens aussi l’homme curieux et profondément cultivé que tu étais. Le goût de la liberté et la volonté affirmée d’aller à la rencontre des autres te fit voyager à travers le monde pour comprendre. Tu étais un Pic de la Mirandole passionné de musique, de cinéma, d’histoire, de littérature et de poésie. On partageait ensemble cette citation d’Albert Camus que tu as reprise dans ton dernier discours aux clubs au lendemain de l’élection : « La vraie générosité envers l’avenir c’est de tout donner au présent ». Un citation si inspirante pour tous les bénévoles que tu aimais tant. Au terme de l’élection, tu avais prévu la lecture d’un poème d’Aragon, « la Rose et le Réséda » , un appel à l’unité au delà des clivages, conforme à l’idée que tu te faisais d’un rugby uni où la mauvaise politique ne prenait jamais le dessus. Conforme aussi à ta volonté de ne « jamais dire de mal des gens du rugby, pour ne pas faire mal au rugby ».
Le don de soi était partie intégrante de ta personnalité. Tu avais profondément en toi le sens de l’intérêt général. Servir et jamais se servir aurait pu être ta devise. Tu te donnais entièrement et peut être trop à ta tache au service du rugby et des clubs, sans pour autant oublier d’où tu venais, qui tu étais : tes racines, ta terre, ton terroir, ta famille.
Pierre, les tiens t’appelaient affectueusement Otto, accepte que je puisse le faire à mon tour aujourd’hui et juste aujourd’hui, pour te signifier à quel point tu m’auras inspiré et imprégné par ta manière d’être et de vivre.
Florian GRILL
Président Ile de France Rugby
Membre élu du Comité directeur FFR